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18 janvier 2011 2 18 /01 /janvier /2011 22:56

 

Rompre un long silence imposé et imposant, c'est raté une marche quoique l'on dise, c'est être maladroit et inconstant, se justifiant sans cesse d'une infidélité que l'on ne peut pas éviter...

Exit les justifications et reprenons le court des choses, la plate réalité, la mienne, celle de femmes d'aujourd'hui, silencieuses, étouffées dans l'ombre, reprenons une réalité qui m'éclate à la gueule comme si j'étais une jeune première de 25 ans: la misère, lorsqu'elle est invisible, ne concerne plus personne.

Elle appitoie, elle soulève les débats, les coeurs,  les bras des manifestants quand elle se montre et bien souvent sous son maquillage le plus douteux et ouvre les caisses de l'Etat.

Mais que se passe t il? Où sont elles les voix de la colère, résonnant avec la mienne, sourde, où sont les témoins passifs, muets du massacre auquel nous assistons? Mais ils sont où les travailleurs sociaux???

Dans ma courte carrière, je me suis intéressée aux sans-papiers, à la législation des étrangers, aux toxicomanes, aux malades mentaux, c'est à dire à peu près tout ce qui ne peut pas concerner le dit "Droit commun", c'est à dire aux plus désoeuvrés, aux moins insérés et insérables (par pure définition), à ceux que beaucoup considèrent comme "des causes perdues". On s'implique, on se bat mais quelque part, la chose est sans fin: la révolution ne se fera pas, la colère est là mais l'impuissance et la législation  vous donne raison dans ce vain combat...Et puis les toxicos et les fous ne sont que des fous et des toxicos, habitués à la rue, endurcis par la rue...Ils tiendront encore et encore....Et quoiqu'on dise, y 'a des sous de la Providence pour les toxicos à Paris parce que ca fait désordre dans un quartier de déloger un squatt et de ramasser des pompes par dizaines tous les matins par les éboueurs de la Mairie...Alors oui, y'a des moyens pour la santé publique quand elle concerne l'intérêt de tous: l'ordre public.

Mais le Droit commun vous raconte une autre histoire, un conte d'une toute nature.

Le droit commun, c'est à dire tout dispositif d'aide sociale pour toute personne le nécessitant, ne vous dit  qu'une seule chose: NE VIENS PAS!!

N'aies jamais le malheur d'en avoir besoin: n'aies jamais d'accident de la rue, choisis bien tes amis, aies une bonne famille, un bon travail, de bons revenus, une bonne vie, sans maladie, sans décès, sans accident de la vie, ne t'autorises pas à déprimer ou à démissionner, ne sois pas trop ambitieux, paies bien tes factures, penses bien à faire ta demande HLM à ta majorité, aies une crise d'adolescence modeste, choisis bien ton mari, ni trop indépendant, ni trop violent car si la vie te fais basculer, toi et tes enfants, si un beau jour, tu ne pourras décemment compter que sur toi-même, qu'adviendra t il de toi? La société civique  dans laquelle tu auras tant investi, de ton temps et de ton argent, te sera t elle reconnaissante?

Le Droit commun, c'est toi, c'est moi et nous autres, comme tendus au-dessus d'un précipice et cette brèche béante, si peu accueillante.Jamais il n'aura été tant question de déshumanisation des êtres et des systèmes, jamais je n'ai eu tant honte d'ouvrir  la porte de mon bureau tous les matins avec cette étiquette bleue prétentieuse "Assistante sociale", jamais ce titre n'aura eu si peu de sens, jamais mes silences n'auront été si embarassants en l'absence de solutions pour ses femmes qui ont bien mis souvent au monde leurs bébés, au péril de leur vie. Des heures et des heures de recherche pour un abri stable, temporaire, toujours précaire, des heures pour rien,en fin compte, des heures pour envisager l'inévitable: le recours au 115, Samu Social, saturé lui aussi...

Alors que faire? Que faire lors de ces faces à faces que je redoute tous les jours davantage, à ces demandes récurrentes "Je viens aux nouvelles" et à ces listes de structures que je sollicite, 10, 15, 25 et à des délais improbables que l'on m'annonce, 3,4,6 mois? Que faire sinon dire l'inéxorable vérité, celle qui me fait pâlir de colère et de honte?

Notre Iphigénie, si douloureuse, en est la noire incarnation, notre Iphigénie, immobilisée avec son bébé, qui ne demande qu'à sortir, ne peut pas sortir. Et les autres, encore et encore...leurs bébés sous le bras, quelle est cette société qui ne sait pas les accueillir parce qu'elles sont trop vieilles ou trop fragiles: elles sont juste en trop peut être, tout simplement...

Les chiffres de la démographie sont tombés aujourd'hui: nous sommes 65 millions d'habitants avec un taux de fécondité le plus haut depuis 30 ans et une précarité toujours aussi grandissante. L'âge du 1er enfant récule, recule et aucun dispositif n'est prêt à recevoir ces mères toujours plus nombreuses et trop vieilles, selon les normes de l'administration du Droit Commun.

Quel société offrons nous à ces bébés à venir, condamnés à vivre dans l'insécurité sociale, dès la naissance? Qu'offrons nous comme choix éducatif à ces femmes?

Zéro de conduite pour les années qui s'annoncent , zéro de conduite pour les réformes de ces dernières années, zéro de conduite pour la loi APPARU...

Zéro de conduite car c'est la seule chose qui me reste encore: la rage de mettre des mauvaises notes, comme un prof aigri, pour ne pas déprimé de voir ses connaissances et son ambition fondre comme neige en soleil, face à tels cancres, insolents et ignares....

 

 

 

 

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commentaires

L
<br /> bien dit...<br /> bel article...<br /> <br /> aux larmes citoyens...<br /> <br /> <br />
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